
Après presque 20 ans derrière les barreaux en Indonésie, Serge Atlaoui entrevoit un peu de lumière au bout du tunnel. Le 12 février dernier, le tribunal judiciaire de Pontoise (Val-d’Oise) a commué la peine de mort prononcée à son encontre par la Cour suprême d’Indonésie en 30 années de réclusion criminelle. De retour en France après 17 années passées dans un couloir de la mort, l’avenir judiciaire de Serge Atlaoui, désormais âgé de 61 ans, n’en devient pas moins complexe au regard de sa condamnation qui en réalité est une transposition dans le droit français de sa condamnation à l’étranger.
« Je vais bien évidemment saisir le juge d’application des peines et demander un aménagement de la peine qui reste à courir en France », nous confie son avocat maître Richard Sédillot, grand artisan de son sauvetage et de son retour en France. « La question est assez technique, car la peine a, jusqu’à présent, été exécutée dans un pays qui n’est lié à la France par aucune convention en la matière », regrette ce spécialiste de ce genre de dossier, ajoutant que l’éventualité d’une remise de peine est encore incertaine dans ce contexte.
« Seul Emmanuel Macron peut faire en sorte qu’il soit mis un terme au calvaire qui est le sien depuis 19 ans. »
Richard sédillot
« Je vais surtout demander sa grâce au président de la République », annonce officiellement le conseil de l’ancien soudeur. « Seul Emmanuel Macron peut faire en sorte qu’il soit mis un terme au calvaire qui est le sien depuis 19 ans », s’émeut-il. Pour son avocat, nombre d’éléments jouent en la faveur de celui qui a été condamné à 30 ans de prison en France, afin d’obtenir cette décision présidentielle. Pour mémoire, elle n’a été attribuée qu’une seule fois par le président Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir en 2017 (une ex-prostituée condamnée pour meurtre, en 2018). « Je compte donc en appeler à son humanité et à l’autorité qui est la sienne et qui peut, dans des cas exceptionnels, être placée au-dessus de l’autorité judiciaire » , rappelle Richard Sédillot.
« Le comportement de Serge Atlaoui en détention a été irréprochable. Il a subi ce qu’il est coutume d’appeler le syndrome du couloir de la mort ; il a toujours clamé son innocence, dont je suis moi-même convaincu ; il a passé plus de temps en prison que n’en ont passé de redoutables narcotrafiquants ; il a été privé de ses proches… » énumère maître Sédillot. Volontairement discret sur l’état de santé de son client, il évoque toutefois des conditions de vies dégradées. « Il est certain que toutes ces années passées dans le couloir de la mort ont évidemment eu, sur son état de santé, de fâcheuses conséquences. Il a pourtant montré, pendant toute cette période, une attitude résiliente, courageuse et digne qui force l’admiration », enchaîne-t-il.
« Le comportement de Serge Atlaoui en détention a été irréprochable. »
Richard sédillot
« Son cercueil avait été fabriqué… »
« Cette grâce serait une nouvelle manifestation du combat toujours mené par la France en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort. Lorsque la peine de mort frappe, même indirectement, à la porte d’un prétoire, en France, il faut la repousser aussi loin qu’il est possible ! », souligne ce combattant de la lutte contre le châtiment ultime.
Le travail constant et acharné de la famille et de l’avocat de Serge Atlaoui a permis son retour et nourrit aujourd’hui l’espoir de son clan, alors qu’à un moment sa vie n’a tenu qu’à un fil. « Il faut se souvenir qu’en 2015, le nom de Serge figurait sur la liste des condamnés qui allaient être exécutés », se souvient Me Sédillot.
« Son cercueil avait été fabriqué, il avait été placé dans une cellule réservée à ceux dans l’exécution est imminente et son épouse s’inquiétait des conditions dans lesquelles son corps serait rapatrié en France. Serge a vu passer devant sa cellule tous ceux dont les noms étaient sur la même liste que lui. Il attendait donc qu’on vienne le chercher… », raconte encore son avocat. « On peut imaginer les sentiments qu’il a pu ressentir, alors qu’il a vu ses compagnons d’infortune se diriger, l’un après l’autre, vers une mort certaine, avec la certitude qu’il serait le prochain. » Des souvenirs terrifiants que Serge Atlaoui et son avocat espèrent pouvoir mettre loin derrière lui en cas de grâce présidentielle.