Tout au long de ses 100 pages, le rapport démontre l’utilisation de la peine de mort comme un ultime outil de répression politique. Comme le souligne Mahmood Amiry-Moghaddam, Directeur d’Iran Human Rights : « Instiller la peur dans la société est le seul moyen pour le régime de s’accrocher au pouvoir et la peine de mort est son instrument le plus important. Augmenter le coût politique des exécutions par la pression internationale peut ralentir la machine à tuer du régime. »
Cette nouvelle publication met en lumière l’utilisation de la peine de mort en Iran durant l’année qui a vu la poursuite difficile du mouvement de contestation nationale « Femme, vie, liberté », suite à la mort de Jina (Mahsa) Amini et de l’attribution le 6 octobre 2023 du Prix Nobel de la paix à la défenseuse des droits humains Narges Mohammadi, qui fait face à de nouvelles accusations alors qu’elle est toujours détenue dans les geôles iraniennes. En 2023, au moins 22 femmes ont été exécutées, le nombre le plus élevé de ces dix dernières années.
Il convient de noter que le rapport n’inclut pas dans ses statistiques les 551 personnes, au moins, tuées lors des manifestations ou d’autres exécutions extrajudiciaires à l’intérieur et à l’extérieur des prisons. Au moins 8 manifestants figurent au nombre des personnes exécutées en 2023 dont 6 avaient été arrêtées dans le contexte des manifestations « Femme, vie, liberté » et condamnées à l’issue de procès inéquitables.
De graves violations du droit international
En 2023, les autorités iraniennes ont violé leurs obligations internationales en exécutant des personnes pour des crimes qui n’appartiennent pas à la catégorie des crimes les plus graves au sens du droit international, en procédant à des exécutions publiques et à la pendaison d’au moins deux mineurs ; l’un d’eux était âgé de 17 ans au moment de son exécution.
L’escalade spectaculaire du nombre d’exécutions liées à la drogue en 2023 est particulièrement préoccupante. Pourtant, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) est restée silencieuse et a même signé un nouvel accord de coopération avec la République Islamique d’Iran.
« L’abolition de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue doit être une condition préalable à toute coopération future entre l’ONUDC et l’Iran en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants »
Raphael Chenuil-Hazan, directeur d’ECPM
Les personnes exécutées pour infraction à la législation sur les stupéfiants appartiennent aux communautés les plus marginalisées de la société, et les minorités ethniques, en particulier les Baloutches, sont largement surreprésentées parmi les personnes exécutées. Ainsi en 2023, 20% des exécutions concernent des détenus baloutches, alors que ce groupe ethnique ne représente qu’entre 2 et 6% de la population iranienne. Toutes les accusations liées à la drogue et à la sécurité sont du ressort des tribunaux révolutionnaires, qui ont prononcé les condamnations à mort de 512 (61 %) des personnes exécutées en 2023.
L’opinion publique de plus en plus réfractaire à l’utilisation de la peine de mort
La peine de mort en Iran suscite néanmoins des contestations de plus en plus visibles au sein de la population. Le présent rapport confirme que cette tendance de fond a pris de l’ampleur depuis 2020, et s’est encore accélérée. Ainsi, dans la majorité des cas, lorsque les familles peuvent choisir entre le pardon (absence d’exécution) et le qisas (exécution), elles optent pour le pardon. Cela permet aux citoyens iraniens d’exprimer leur opposition à la peine de mort de manière détournée, échappant ainsi à d’éventuelles persécutions de la part des autorités. Le mouvement abolitionniste s’est également renforcé avec des manifestations contre la peine de mort organisées devant des prisons ou des bâtiments gouvernementaux.
Depuis 2018, cinq personnalités, avocats et défenseurs des droits de l’homme ont préfacé le Rapport annuel sur la peine de mort en Iran. Comme leurs mots intemporels et essentiels sont aussi pertinents aujourd’hui qu’ils l’étaient lorsqu’ils ont été écrits, nous les partageons à nouveau en mémoire de Robert Badinter, ministre français de la justice qui a aboli la peine de mort en France en 1981 et qui s’est malheureusement éteint le 9 février 2024. Dans la préface du Rapport annuel de 2019, il a écrit : « L’Iran et son peuple, héritiers d’une longue et glorieuse histoire, méritent mieux que ce bilan sanglant. »
Iran Human Rights et ECPM appellent la communauté internationale à placer la peine de mort en tête de l’ordre du jour de tout dialogue avec les représentants de la République islamique, et à jouer un rôle plus actif dans le soutien à l’amélioration de la situation des droits de l’homme notamment en promouvant l’abolition de la peine de mort en Iran.
En 2024, la Communauté internationale doit être attentive aux recommandations qui seront faites par la Mission d’établissement des faits et le Rapporteur spécial des Nations unies sur les violations des droits de l’Homme en République islamique d’Iran mais aussi dans le cadre de l’Examen périodique universel.
Les chiffres clés
- Au moins 834 personnes ont été exécutées en 2023, soit une augmentation de 43 % par rapport aux 582 personnes exécutées en 2022. Parmi elles, 7 personnes ont été exécutées en public.
- 125 exécutions (15 %) ont été annoncées par des sources officielles, contre une moyenne de 12 % en 2022 et de 33 % en 2018-2020.
- 85 % des exécutions figurant dans le rapport de 2023 (709 exécutions) n’ont pas été annoncées par les autorités.
- Au moins 282 personnes (34 % du total des exécutions) ont été exécutées pour meurtre.
- Au moins 471 personnes (56 % du total des exécutions) ont été exécutées pour des charges liées à la drogue.
- Au moins 2 mineurs au moment de l’infraction reprochée, ont été exécutés, l’un d’eux était âgé de 17 ans au moment de son exécution.
- Au moins 22 femmes ont été exécutées.
- Au moins 8 manifestants ont été exécutés pour des accusations de meurtre et atteinte à la sécurité (Moharebeh (inimitié à l’égard de dieu)) et d’Efsad-fil Arz (corruption sur terre).
- Au moins 857 détenus condamnés à mort pour meurtre ont été pardonnés par les familles des victimes de meurtre en application de la loi du Qisas.
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