Postface d’Amina Bouayach
Je félicite Ensemble contre la peine de mort pour l’organisation réussie du 8e Congrès mondial contre la peine de mort, qui a vu une mobilisation accrue des abolitionnistes venus des quatre coins du monde. L’approche participative adoptée pour la préparation du congrès y est certainement pour quelque chose. Il ne fait aucun doute que la diversité du comité académique où étaient représentés institutions des droits humains, ONG, experts et activistes pour l’abolition s’est vue reflétée dans l’agenda du Congrès, les thèmes choisis et les intervenants conviés, enrichissant ainsi la qualité des débats et encapsulant plusieurs points d’intérêt pour les participants. Le congrès vit particulièrement l’implication d’un nombre croissant de jeunes militants mais aussi de responsables politiques, notamment du continent africain, témoignant d’une prise de conscience croissante des enjeux autour de l’abolition, notamment parmi les jeunes générations, et attestant de la pertinence des campagnes de prom otion menées par nos confrères.
C’est ainsi que le congrès prit une dimension universelle plus amène à défendre la suprématie absolue du droit à la vie. C’est dans cette universalité que les débats autour des quinze thèmes inscrits à l’ordre du jour du Congrès prirent place. Le Congrès a, en effet, permis de faire le point sur la situation dans plusieurs continents et pays. Entre ceux qui appliquent toujours la peine de mort, ceux où il y a un moratoire de facto, et ceux qui ont franchi le pas de l’abolition législative, il ressort l’absence d’un consensus sur le caractère indérogeable de la protection du droit à la vie, comme c’est le cas pour l’interdiction de torturer.
Car, ne nous y trompons pas, l’interdiction absolue de l’atteinte du droit à la vie doit devenir une norme impérative de laquelle découlent tous les droits. En tant qu’abolitionnistes, notre but doit être clair et limpide : faire reconnaître par la communauté internationale le droit à la vie en tant que droit originel, suprême et inaliénable, qui ne peut être ni diminué ni ébranlé.
Quelles stratégies donc adopter afin de mieux parer à l’absence de consensus sur le caractère intouchable du droit à la vie parmi ceux qui sont encore réticents ? Le Congrès était l’occasion idoine pour nous éclairer. Après avoir échangé avec les congressistes, leurs expériences, leurs exploits, leurs échecs, leurs aspirations, leurs « combats abolitionnistes », il ressort principalement la nécessité de s’adapter à la diversité – diversité des contextes et des cultures, diversité des parcours, diversité des parties prenantes. Il semble effectivement impératif d’adopter des approches adaptées, constamment mises à jour et renouvelées, ventilées au niveau régional et national.
Néanmoins, sous-tendant des stratégies continuellement réactualisées, trois processus distincts et interreliés se profilent, dictant trois niveaux d’intervention : le niveau sociétal, le niveau politique et le niveau juridique.
Le processus sociétal pour l’abolition est la base sur laquelle nos stratégies d’intervention doivent se construire. Il s’agit d’insuffler une prise de conscience de plus en plus large des enjeux liés à l’abolition de la peine de mort, des absurdités qui découlent de son application, des valeurs morales et humanistes qui prescrivent son abolition et des drames humains qui entourent tout prononcé de la peine capitale. Il s’agit, par exemple, de la campagne « Dessine-moi l’abolition » lancée par le Conseil national des droits de l’homme auprès des élèves marocains des classes d’arts plastiques. La prise de conscience par les jeunes générations du combat pour l’abolition doit faire partie de tout programme éducatif faisant la promotion des droits humains et des libertés. Pour ce faire, les nouvelles technologies de la communication peuvent constituer un moyen précieux pour atteindre un maximum de personnes parmi les jeunes. Un réel effort de simplification des arguments et des concepts me paraît, en outre, indispensable afin de rendre le discours pour l’abolition à la portée de tous.
C’est une fois seulement le mouvement sociétal ancré que peut naître une réelle dynamique politique autour de la question, ciblant acteurs et responsables politiques, quelles que soient leur appartenance politique ou leur sensibilité, car le combat pour l’abolition ne doit pas être résumé à une question partisane ou idéologique. Nos plaidoyers, nos activités, nos conférences et nos rencontres ont pour but de normaliser l’abolition, ou plutôt de décrier son absence. L’universalité du droit à la vie s’applique à tous de manière égale et n’est contingente d’aucun calcul ou intérêt restreint. Protéger la vie est le devoir de tous et, avant tout, des représentants élus. Il est donc de leur responsabilité de légiférer, de voter et de ratifier l’abolition. La finalité : acter juridiquement l’abolition de la peine de mort.
Le point d’orgue pour nous, abolitionnistes, est la traduction en loi de l’interdiction de porter atteinte à la vie. L’abrogation de toute forme de peine capitale dans le Code pénal est indispensable et nécessaire. L’expérience montre qu’une inscription du droit à la vie, fût-elle dans la loi suprême du pays, c’est-à-dire sa Constitution, ne débouche pas systématiquement sur l’abolition de la peine de mort. Elle devient toutefois plus probable quand elle fait partie de tout un arsenal de réformes juridiques et judiciaires visant à garantir les droits fondamentaux des citoyens. Les occasions sont donc rares et il est indispensable d’avoir au préalable sensibilisé un nombre suffisant de parties. Le rôle du magistrat et de l’avocat dans ce processus ne peut être sous-estimé. Et ce n’est pas par hasard qu’un nombre non négligeable d’actes d’abolition de la peine de mort à travers le monde se font à l’instigation de femmes et d’hommes de loi.
Que dire de l’avenir ?
L’abolitionniste et militante en moi est optimiste. Le nombre important de jeunes présents au 8e Congrès mondial contre la peine de mort ne peut que nous réjouir. Il est évident que le futur est entre les mains des jeunes générations, auxquelles nous passerons un jour le flambeau. Car l’abolition n’est pas une fin en soi, elle n’est qu’une étape dans la trajectoire d’une humanité qui aspire à la dignité, à la justice et à la liberté.
C’était un plaisir et un honneur de partager tant, avec tous ceux présents. J’espère pouvoir rencontrer l’année prochaine davantage de passionnés et de convaincus, mais également ceux qui ne le sont pas encore.
Les évènements parallèles
Les ateliers de la société civile
Réseau South Asia and Middle East (SAME) contre la peine de mort : bilan et voie(s) d’avenir
Réseau South Asia and Middle East (SAME)
Cette réunion a permis aux membres du réseau de présenter leurs actions communes ainsi que de faire le point sur celles-ci, en partageant avec les participants des stratégies efficaces et innovantes pour combattre la peine de mort par le biais de procédures judiciaires, de recherches multidisciplinaires et de communications créatives. Elle a également été l’occasion de réfléchir à l’efficacité d’un réseau régional en tant qu’outil de renforcement de la solidarité et de la coordination, en s’appuyant également sur une évaluation spécifique, présentée dans ce forum. Enfin, les membres et les participants ont pu discuter des prochaines étapes, en définissant des objectifs communs pour les années à venir et des moyens d’assurer la durabilité du réseau. La nature ouverte de la réunion a permis aux participants d’en apprendre davantage sur le travail des membres du réseau et de discuter de leurs idées en tant qu’experts abolitionnistes dans une région complexe, tout en réfléchissant à la valeur d’un réseau régional, informel, flexible et dirigé par ses membres, contre la peine de mort.
Politique, droits humains et peine de mort aux États-Unis
Death Penalty Information Center (DPIC)
Un débat sur la politique, les droits de l’homme et la peine de mort aux États-Unis. La table ronde a réuni l’ancien sénateur américain Russ Feingold, l’ancien gouverneur du Maryland Martin O’Malley et des experts de la peine de mort, Sandra Babcock, directrice de la faculté et fondatrice du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, et Robert Dunham, directeur exécutif du DPIC, ainsi qu’une présentation vidéo des sénateurs de l’État de l’Ohio, Nickie Antonio et Stephen Huffman, sur leurs efforts bipartisans pour abroger la peine de mort dans leur État. Ce débat était modéré par Robert Dunham.
Écrire avec des prisonniers dans le couloir de la mort
Coalition allemande pour l’abolition de la peine de mort
L’une des priorités de la Coalition allemande pour l’abolition de la peine de mort est l’organisation de correspondances avec des personnes condamnées à mort aux États-Unis. L’atelier a abordé les avantages de la correspondance pour les deux parties ainsi que les différents systèmes d’organisation de la correspondance, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Il a également abordé les problèmes potentiels et la manière de les traiter, la perception des correspondants dans les médias, les correspondants pour les mineurs, etc. À la suite de l’événement au Congrès mondial, la Coalition, avec d’autres participants à l’atelier, est en train de créer un réseau « Pen Pal Partners – Networking for Death Row Prisoners ».
L’Abolition Now Tour : quelle suite ? Construire un engagement durable
Ensemble contre la peine de mort
L’objectif de cet atelier était de réunir les jeunes membres des six délégations de l’Abolition Now Tour (en provenance de la République démocratique du Congo, de l’Indonésie, du Kenya, du Liban, du Maroc et des États-Unis) afin de réaffirmer leur engagement à agir pour l’abolition de la peine de mort dans leur pays. Après la réalisation de leur action prioritaire, cet atelier visait à leur donner l’impulsion nécessaire pour consolider leur mobilisation et définir les prochaines étapes de leurs initiatives dans le cadre du travail des ONG locales.
Comment les États abolissent la peine de mort : études de cas
International Commission against the Death Penalty (ICDP)
Cette réunion avait pour but de lancer le nouveau rapport de l’ICDP, Comment les États abolissent la peine de mort, et de discuter de son contenu. Ce document passe en revue les expériences des pays et des États américains dans leur évolution vers l’abolition. S’inspirant de ces leçons et expériences, le document fournit des conseils aux États sur la manière d’abolir la peine de mort, produisant un travail essentiel pour promouvoir l’abolition de la peine capitale dans toutes les régions du monde.
L’Afrique subsaharienne à l’avant-garde de l’abolition : développements récents et jurisprudence
Cornell Center on the Death Penalty Worldwide et Reprieve
Au cours de cette session, les intervenants d’une table ronde ont discuté des nouveaux développements et des nouvelles ressources dans la lutte pour l’abolition de la peine de mort en Afrique subsaharienne. Les participants ont également reçu un nouveau guide de la jurisprudence de la Cour et de la Commission africaine relative à l’application de la peine de mort.
Défense efficace dans les affaires de peine de mort en Asie
The Rights Practice
L’efficacité accrue des avocats entraîne une diminution des condamnations à mort. Avec moins de condamnations à mort, il est plus facile de plaider pour l’abolition de la peine de mort. The Rights Practice a collaboré avec des organisations d’Asie (Chine, Inde, Indonésie, Malaisie, Pakistan, Singapour et Taïwan) pour étudier la situation nationale des avocats chargés des affaires de peine de mort. Cela inclut les obstacles juridiques, institutionnels et autres qui empêchent les avocats de travailler efficacement dans les différents pays asiatiques. Au cours de cette réunion ouverte, l’organisateur a présenté les résultats obtenus dans la région et a ouvert une discussion sur la manière d’améliorer l’efficacité des avocats et d’influencer les changements dans la loi.
Défier l’État : le rôle de la communauté internationale dans la protection des défenseurs des droits humains exposés en première ligne
Réseau asiatique contre la peine de mort (ADPAN)
La limitation des espaces de la société civile par les régimes autoritaires n’est pas une pratique nouvelle. Les membres d’ADPAN sont de plus en plus limités dans leur capacité à plaider pour l’abolition de la peine de mort, à s’opposer à d’autres formes de meurtres sanctionnés par l’État et à représenter les accusés qui encourent la peine capitale lors de leurs audiences finales. Des intervenants d’organisations membres d’ADPAN au Bangladesh, aux Philippines et à Singapour ont partagé leurs réflexions sur les réalités de leur action sur le terrain, les défis de l’opposition aux exécutions sanctionnées par l’État et les actions que la communauté internationale doit mener pour protéger les défenseurs des droits humains qui se trouvent en première ligne. L’événement était coorganisé par ADPAN, Capital Punishment Justice Project et l’ambassade d’Australie en Allemagne. Le discours de clôture a été prononcé par Philip Green, ambassadeur d’Australie en Allemagne, Suisse et Liechtenstein.
Cartographie du couloir de la mort : ressortissants étrangers condamnés à mort en Asie et au Moyen-Orient
Unité de recherche sur la peine de mort, Université d’Oxford
L’unité de recherche sur la peine de mort de l’Université d’Oxford a présenté ses travaux relatifs à la création d’une base de données interactive répertoriant les cas de ressortissants étrangers condamnés à mort en Asie et au Moyen-Orient, ainsi que son nouveau projet de cartographie des cas de personnes condamnées à mort pour des crimes liés à la drogue. L’objectif de la réunion était également d’inviter les participants à s’inscrire pour s’abonner aux bases de données ou à collaborer avec l’unité de recherche sur la peine de mort.
Feuille de route pour l’abolition : quel rôle pour les associations d’avocats et les barreaux ?
International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI), Barreau de Paris et Association du Barreau allemand
Cette réunion ouverte a exploré le rôle des associations d’avocats dans les pays rétentionnistes et abolitionnistes dans les efforts vers l’abolition universelle.
La peine de mort dans l’espace francophone
Organisation internationale de la Francophonie (OIF)
L’OIF a organisé, en partenariat avec l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, un atelier francophone qui a réuni une quarantaine de participants – parlementaires, anciens ministres et membres d’ONG nationales et internationales. L’objectif de cette rencontre était de faire le point sur les avancées et les obstacles vers l’abolition de la peine de mort dans le monde francophone. Ces échanges très riches ont permis d’identifier certaines pistes de travail en matière de plaidoyer en faveur de l’adoption du Deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; pour la suppression de la peine capitale dans les codes pénaux et codes de procédure pénale ; en faveur de la réduction des peines passibles de la peine de mort ; en faveur du soutien au moratoire universel sur l’application de la peine de mort adopté tous les deux ans par l’Assemblée générale des Nations unies ; et en faveur de l’adoption d’un protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur l’abolition de la peine de mort en Afrique. Le monde francophone connaît un fort élan abolitionniste : sur les 82 États membres de la Francophonie, seuls cinq ont pratiqué des exécutions au cours des quinze dernières années. Tous les autres ont aboli la peine capitale, en droit ou en pratique.
Les réunions parallèles privées
Le rôle des INDH dans les processus d’abolition de la peine de mort
Ensemble contre la peine de mort
Le rôle joué par les institutions nationales des droits de l’homme (INDH) dans la promotion et la protection des droits humains est primordial. Le champ de la peine de mort et des sujets connexes, comme le respect des standards internationaux des droits humains et des normes minimales de procès et de détention, entrent pleinement dans leur mandat. Cette réunion privée avait pour but de favoriser l’échange de bonnes pratiques entre les INDH pour une meilleure prise en compte de l’abolition de la peine de mort dans les stratégies de ces institutions.
Le rôle des parlementaires dans les processus d’abolition de la peine de mort
Ensemble contre la peine de mort
Les parlementaires jouent un rôle fondamental dans les processus d’abolition, au niveau national et international. Cette réunion visait à favoriser le partage de bonnes pratiques et la réflexion sur de nouvelles stratégies pour renforcer les avancées vers l’abolition de la peine de mort.
Comité de pilotage de la Coalition mondiale contre la peine de mort
Coalition mondiale contre la peine de mort
Le Comité de pilotage de la Coalition mondiale contre la peine de mort s’est réuni en marge du Congrès mondial pour élaborer la nouvelle stratégie de la Coalition mondiale 2023-2027. La réunion était ouverte à tous les membres de la Coalition mondiale et une trentaine d’organisations ont participé aux discussions. En introduction, l’ancien sénateur américain Russ Feingold, président de l’American Constitution Society, une nouvelle organisation membre de la Coalition mondiale, a prononcé un discours sur la peine de mort aux États-Unis et les efforts déployés pour modifier le vote des États-Unis en faveur de la résolution de moratoire de l’Assemblée générale des Nations unies.
Assemblée générale de la Coalition d’Afrique francophone contre la peine de mort
Coalition d’Afrique francophone contre la peine de mort
Cette réunion a permis de réunir les signatures manquantes pour finaliser les documents juridiques de la structure et adopter le plan d’action annuel de la Coalition pour 2023.
Peine de mort en Iran : stratégies de plaidoyer
Ensemble contre la peine de mort
Réunion de coordination des membres de la Coalition mondiale impliqués dans une stratégie de plaidoyer commune pour le vote de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour un moratoire universel sur l’application de la peine de mort.
Résolution moratoire : stratégies de plaidoyer
Ensemble contre la peine de mort
Réunion de coordination des membres de la Coalition mondiale impliqués dans une stratégie de plaidoyer commune pour le vote de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour un moratoire universel sur l’application de la peine de mort.