J’ai toujours voulu m’impliquer, mais je cherchais une structure où je pouvais m’engager sur un sujet précis. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme d’avocat, que ma vie personnelle et professionnelle s’est stabilisée, j’ai décidé de sauter le pas : j’ai donc adhéré à ECPM, à l’Union des Jeunes Avocats, et dans un parti écologiste. Cela fait maintenant douze ans que je suis fidèle à ces trois engagements.
Mon engagement pour l’abolitionnisme remonte à 2008, lorsque je tombe sur un article de presse qui parle de Troy Davis, condamné à mort en Géorgie. Il a appris, seulement deux heures avant l’heure prévue de son exécution, qu’il allait bénéficier d’un sursis d’exécution. J’ai trouvé qu’infliger à quelqu’un l’attente de la mort, le temps qui défile et la détresse psychologique, était absolument inhumain. Finalement, il a été exécuté plus tard alors qu’il avait toujours clamé son innocence.
J’avais envie de m’engager pour une cause, et comme cette affaire m’a particulièrement marquée, j’ai décidé de me battre pour l’abolition de la peine de mort.
Interview d’Aminata Niakate, juillet 2021
Un objectif ambitieux : l’abolition universelle de la peine de mort ! Je ne la verrai peut-être pas de mon vivant, mais c’est ce pour quoi j’ai envie de me battre. Depuis 20 ans, ECPM avance vers cet objectif. Ces avancées sont aujourd’hui visibles grâce à notre carte interactive disponible sur notre site internet : elle va du rouge au bleu, selon la situation des pays concernant la peine de mort. Années après années, cette carte est de plus en plus bleue, et j’aspire à ce qu’elle le soit encore plus à la fin de mon mandat.
Aminata Niakate à la Marche des Fiertés 2021 avec ECPM à ParisQuant à l’organisation à proprement parler, je m’inscris dans la continuité de ce qu’ont fait mes prédécesseurs. Il y a un gros travail sur l’éducation des jeunes concernant ces questions, car en France, puisque la peine de mort est abolie, on pense qu’il est inutile d’aborder cette thématique. Or, on constate que l’opinion publique est majoritairement favorable à la peine de mort dès qu’un fait divers se produit. Il faut donc continuer à éduquer sur ce sujet, car à la faveur d’un changement de gouvernement, on pourrait revenir en arrière et il faut absolument l’éviter. À l’international, j’ai envie d’accompagner le travail d’ECPM sur les États qui ont aboli de fait, mais pas en droit, notamment en Afrique, où nous pensons que les pays sont les prochaines terres abolitionnistes.
De nombreux États africains, dont le Mali, mon pays d’origine, ont la peine de mort dans leur corpus juridique, mais ne la pratiquent plus depuis un certain nombre d’années. Ils ne franchissent pas le pas, mais cela laisse la porte ouverte aux condamnations et l’on peut très vite basculer à nouveau vers cette pratique pour des raisons politiques. Un pays qui ne pratique plus la peine de mort est un pays qui est prêt à franchir le pas de l’abolition. ECPM, par ses actions de plaidoyer peut aider à accompagner cet effet cliquet, par le tissu parlementaire qu’elle a construit, grâce aux réseaux de journalistes qu’elle a mis en place, etc. Le congrès mondial contre la peine de mort, qui a lieu tous les trois ans, à une résonnance à l’international dans des lieux où, souvent, les chefs d’États et les ministres s’engagent à abolir.
Au Moyen-Orient, il y a une relative urgence. On cible aussi l’Afrique, prochain continent abolitionniste, ainsi que les États-Unis, qui se cachent derrière la démocratie qu’ils prétendent être. Après l’ère Trump, il y a peut-être un nouvel espoir, et on espère que les gouvernements du Moyen-Orient ne se cacheront plus derrière les pratiques des États-Unis pour continuer de pratiquer la peine de mort.
Oui, car elle existe encore ! Comme je le disais, un fait-divers, un attentat, un infanticide, un viol, et l’opinion publique se range du côté de la peine de mort. On n’est pas à l’abri d’un retour à cette pratique à la faveur d’un changement de gouvernance de l’État.
On parle du droit à la vie : les droits de l’homme et les libertés publiques sont essentielles, et heureusement que des personnes se battent pour les défendre, y compris en France. On se bat contre la peine de mort car c’est une question de justice. Infliger la mort à quelqu’un parce qu’il·elle a commis un crime, c’est renoncer à croire en son humanité et renoncer à l’idée que l’on peut se réhabiliter après une peine de prison, retrouver une place dans la société après s’en être égaré. Par exemple, aux États-Unis, les condamné·e·s à mort sont parfois exécuté·e·s 20 ans après les faits, et souvent ce ne sont plus les mêmes personnes ; c’est terrible de mettre fin à la vie d’une personne qui n’est plus la même.
Pour moi, la peine de mort est faussement dissuasive : les faits et les chiffres démontrent qu’elle ne l’est pas. Aux États-Unis, la criminalité est beaucoup plus forte qu’en France, malgré l’existence de la peine de mort. Elle est inutile et elle dit qu’on ne croit plus en l’humanité des gens. Une personne commet une faute, et on l’extermine, c’est terrible. La société renonce à la possibilité de réhabilitation d’une personne humaine, ce qui est pour moi le contraire d’une société démocratique.
ECPM est une association qui travaille souvent dans la discrétion, et ce sera l’occasion de mettre en lumière tout le travail effectué, ainsi que d’impliquer les jeunes, les militant·e·s de demain sur cette cause. L’occasion également de fêter l’anniversaire d’une grande victoire pour la démocratie française et de rappeler qu’il faut rester vigilant·e·s, que le combat continue. J’aimerais que nos célébrations intéressent les jeunes et suscitent de nouvelles vocations dans le militantisme contre la peine de mort, car ils·elles sont l’avenir de cette cause.
Lire notre communiqué de presse : Aminata Niakate, élue à la présidence d’ECPM En savoir plus sur les 40 ans de l’abolition en France