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« Face à la peine de mort, les gens doivent résister »

RELAIS ARTICLE de Clémentine Le Ridée pour Ouest France. Ndume Olatushani a passé vingt-huit années en prison, dont vingt dans le couloir de la mort, aux États-Unis. Libéré depuis douze ans maintenant, il délivre un témoignage plein de résilience.
Ndume Olatushani devant des lycéen·nes au Studio Agora, espace en partenariat avec Ouest-France – Forum mondial Normandie pour la Paix

Que ressent-on a près avoir passé vingt longues années dans le couloir de la mort ? Comment continuer à avancer, après avoir attendu pendant vingt-huit ans que son innocence soit reconnue ? Ndume Olatushani a, plus que quiconque, toutes les raisons du monde d’être en colère. L’Américain, originaire de Saint-Louis (Missouri), aurait pu se laisser ronger par l’amertume ou baisser les bras. La colère, l’amertume, il les a rejetées. Il a choisi un autre chemin : celui du combat, de la transmission. « Pendant toutes ces années, ma famille m’a aidé à ne jamais perdre espoir. Je savais, qu’un jour, j’allais être innocenté. »

« Toutes les preuves contre moi ont été fabriquées »

Tout a commencé en 1983. « J’étais un jeune homme à l’époque. J’ai été accusé du meurtre d’un épicier dans une ville où je n’avais jamais mis les pieds avant d’être jugé, puis condamné. Toutes les preuves contre moi ont été fabriquées. Tout ce qu’ils voulaient, c’était clôturer le dossier. » Il est condamné à mort, deux ans plus tard, « par un jury entièrement constitué de personnes blanches, dans une ville à majorité noire. C’était un coup monté ».

Son quotidien en prison, « personne ne peut l’imaginer. Aux États-Unis, les gens ont l’impression que les prisonniers regardent la télé, que c’est agréable ». Au contraire. Ndume Olatushani a vécu l’enfer : enfermé dans une cellule minuscule, il ne pouvait sortir qu’une heure par jour. « À chaque fois, j’étais escorté par deux officiers. À chaque fois, ils te mettent à nu, te fouillent, te menottent aux poignets, aux chevilles. Pendant vingt ans, j’ai pu voir de l’herbe au loin, sans jamais pouvoir la toucher. C’est un processus de déshumanisation. »

« Je me suis toujours préparé à la liberté »

L’innocence de Ndume Olatushani est finalement reconnue, « après beaucoup de travail ». En juin 2012, il retrouve sa liberté. « Quand je suis entré en prison, toute cette technologie n’existait pas, rigole-t-il, en montrant un smartphone. Je n’avais accès à rien de tout ça. Je n’ai jamais perdu l’espoir, donc je me suis toujours préparé à la liberté. Heureusement, quand je suis revenu à la maison, ma famille, ma communauté, m’ont aidé à me remettre sur pied. Ils m’ont donné de l’espace, et du temps. » Quand on lui demande comment il se sent aujourd’hui, l’ancien condamné à mort répond avec un large sourire : « Je suis heureux comme jamais ! Je suis tellement chanceux, les choses auraient pu être totalement différentes. » Ses pensées se tournent vers Marcellus Williams, exécuté mardi 24 septembre, originaire comme lui de Saint-Louis. « Ça aurait pu être moi. »

« La connaissance vous rend responsable »

Cette exécution, la 16e aux États-Unis depuis le début de l’année, est controversée : l’ADN de Marcellus Williams n’a été retrouvé ni sur le couteau, ni sur aucune des empreintes, traces de sang ou cheveux découverts sur le lieu du crime. « Tout montrait qu’il était probablement innocent. » Aujourd’hui, Ndume Olatushani parcourt le monde avec un credo : « La connaissance vous rend responsable. Si on entend quelqu’un crier “au meurtre”, soit vous faites comme si vous n’aviez pas entendu, soit vous y allez pour aider. »

Son vécu, son histoire, l’obligent : « Quand il t’arrive une telle chose dans la vie, si tu arrives à t’en sortir et que tu te relèves, tu as la responsabilité d’aider ceux qui traversent la même chose. C’est pour cela que je raconte mon histoire. »

Il lance un appel : « Quand on parle de réinstaurer la peine de mort, les gens doivent résister, dire haut et fort : “ça n’est pas ce que nous voulons”. Tuer des gens pour démontrer que tuer est mal, ça n’est pas une réponse. Ça ne marche pas. Peu importe comment on regarde le sujet, ça ne fait aucun sens. »