Le ministre de la justice américain a annoncé dans un communiqué officiel, la reprise des exécutions fédérales aux Etats-Unis. Un procédé létal a été choisi et cinq condamnés devraient être exécutés entre décembre et janvier prochain.
Ce jeudi 26 juillet 2019, William Barr, attorney general des Etats-Unis, c’est-à-dire ministre de la justice, a fait frémir l’ensemble des associations protectrices des droits humains à travers le monde. Il a déclaré le retour des exécutions au niveau fédéral. Un bond de 16 ans en arrière étant donné que celles-ci étaient suspendues depuis 2003, suite à des polémiques autour des injections létales.
En agissant ainsi, le ministre du gouvernement Trump répond au désir du président de durcir la peine de mort pour certains crimes. En particulier ceux liés au terrorisme et au trafic de drogues. Cinq exécutions sont déjà prévues à partir du 9 décembre 2019… pile à temps pour le lancement de la campagne Trump 2020.
Quelles différences entre les exécutions fédérales et celles des Etats ?
Sur les 50 Etats américains, 25 appliquent toujours la peine de mort, 21 l’ont aboli et 4 appliquent un moratoire. Chaque Etat est responsable de condamner ses citoyens pour des crimes commis sur son sol. Les exécutions fédérales concernent quant à elles les crimes les plus graves. Les meurtres de premier plan (les crimes racistes ou à l’encontre de policiers ou militaires par exemple), l’espionnage ou encore les attentats par exemple. La peine de mort fédérale s’applique donc sur l’ensemble du territoire américain.
En 1976, les exécutions fédérales ont été bannies par un moratoire de la cour suprême. Ronald Reagan les a à nouveau rétablies en 1988 mais peu de personnes ont été exécutées : « seulement » 4 depuis 1960. On retrouve notamment Timothy McVeigh responsable de l’attentat d’Oklahoma City, qui a fait 168 morts en 1995. Il a été exécuté en 2001.
Actuellement, 62 personnes se trouvent dans les couloirs de la mort de pénitenciers fédéraux. Les prisons des Etats, elles, en comptent plus de 2 600, selon le Centre d’information sur la peine de mort (DPIC). Parmi eux, l’un des deux auteurs de l’attentat du marathon de Boston, Dzhokhar Tsarnaev, et le suprémaciste blanc Dylann Roof, condamné pour le massacre de l’église de Charleston (Caroline du Sud) en 2015.
Pourquoi les exécutions fédérales ont-elles été bannies ?
La raison des moratoires successifs sur les exécutions fédérales provient des polémiques sur les méthodes d’injection létales. En effet, les produits testés n’ont pas toujours été efficaces et ont parfois été jugés inhumains. Ce à cause de la souffrance qu’ils infligent au condamné et au temps parfois trop long entre l’injection du produit et la mort du condamné. Afin de remédier à ce problème, le Texas, qui est l’Etat qui exécute le plus des Etats-Unis, utilise depuis 2012 le pentobarbital de sodium. Cette méthode est plus efficace que le cocktail des 3 produits précédemment injectés aux condamnés. Celui-ci a d’ailleurs été considéré comme étant en infraction avec le 8e amendement qui interdit les châtiments cruels.
C’est ce nouveau produit qui sera désormais utilisé pour les prochaines exécutions fédérales.
Pourquoi les rétablir ?
Dans son communiqué, William Barr justifie le retour des exécutions fédérales ainsi « Nous devons, pour les victimes et leurs familles, appliquer les peines déclarées par notre système judiciaire ». En vérité, il répond surtout au désir de son président de durcir sa politique vis-à-vis des criminels en vue des élections présidentielles de 2020.
Donald Trump ne s’est jamais caché de son soutien à la peine de mort. En 1989, il achète une page de publicité dans le New York Times afin de réclamer la peine de mort pour les « Cinq de Central Park ». Ces cinq jeunes afro-américains étaient accusés du viol d’une joggeuse mais ont été innocentés depuis. En 2018, il réclame à nouveau le retour de la peine de mort fédérale après la tuerie dans une synagogue de Pittsburgh.
En rétablissant cette peine capitale à quelques mois des élections présidentielles, Trump cherche-t-il à flatter son électorat conservateur ? En tout cas, il insiste particulièrement sur le renforcement des exécutions pour les terroristes, les tueurs de policiers et les narcotrafiquants.
Qui sont les 5 condamnés ?
Les 5 personnes choisies pour l’occasion sont condamnées « pour avoir tué, et parfois torturé et violé, les membres les plus vulnérables de la société : des enfants ou des personnes âgées ». « Chacun de ces condamnés a épuisé ses recours, et il n’existe actuellement aucun obstacle à leur exécution, qui aura lieu au pénitencier fédéral de Terre Haute, en Indiana. D’autres exécutions seront prévues à des dates ultérieures », indique William Barr.
La première exécution sera celle de Daniel Lee, un suprémaciste blanc condamné en 1999 pour le meurtre d’une fillette de 8 ans et de ses parents. Elle devrait avoir lieu le 9 décembre. Lezmond Mitchell, dont l’exécution est prévue le 11 décembre, est condamné pour avoir poignardé une femme de 60ans et sa petite fille. Wesley Ira Purkey a été condamné en 2003 pour le viol et le meurtre sordide d’une jeune fille de 16 ans. Alfred Bourgeois a torturé et violé sa fille de 2 ans avant de la battre à mort. Enfin, Dustin Lee Honken a tué 5 personnes.
Des portraits qui font frémir et c’est bien là l’objectif. Cela renforce la position de Donald Trump aux yeux du public en rendant le tableau somme toute assez manichéen.
Qu’en pense l’opinion publique ?
Selon une étude du Pew Research Center, 54% des américains étaient en faveur de la peine de mort en 2018, contre environ 80 au début des années 1990. Une tendance en baisse donc mais toujours majoritaire, raison pour laquelle Donald Trump se positionne ouvertement ainsi. Selon ce même sondage, les personnes en faveur de la peine de mort sont majoritairement issues de l’électorat masculin, blanc et peu éduqué, féru de Trump. D’autant plus que 77% des républicains considéreraient la peine de mort comme justifiée en cas de meurtre, contre 35% chez les démocrates.
Les candidats abolitionnistes aux élections 2020 n’ont pas tardé à s’insurger sur les réseaux sociaux :
« Nous avons besoin d’un moratoire au niveau national sur la peine de mort, pas d’une résurrection », a tweeté la sénatrice et ancienne procureure Kamala Harris, jugeant la peine capitale « immorale ».
« Il y a suffisamment de violence dans le monde, le gouvernement ne devrait pas en ajouter », a renchéri le sénateur Bernie Sanders.
L’administration « est à nouveau du mauvais côté de l’histoire », a également jugé la puissante association de défense des droits civiques ACLU, soulignant que la peine capitale se caractérise par d’importantes disparités raciales et géographiques.