En 2000, une modeste maison d’édition publiait un livre intitulé « Lettre ouverte aux américains pour l’abolition de la peine de mort ». Écrit par Michel Taube, mis en page par Olivier Déchaud et mis en orbite par Jean-François Daniel, ce sont ce livre et ces trois noms qui sont à l’origine d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM).
20 ans plus tard, les trois bénévoles du début et les actions de l’association ont pris une ampleur internationale. Olivier Déchaud, co-fondateur de l’association et Président (de 2005 à 2019) revient sur le chemin parcouru, vers une seule et même destination : l’abolition universelle de la peine de mort.
Nous n’en étions pas à notre première publication militante (On n’en a pas fini avec le Front national, ou la publication du discours de Charlie Chaplin dans son film Le Dictateur) ; mais cette fois, nous ressentions le besoin d’une implication plus forte. Quoi de plus symbolique alors, comme marqueur d’humanité, que la lutte contre la peine de mort ?
En 2000, 78 pays étaient abolitionnistes. Et la France, « pays des droits de l’homme », fut le dernier pays européen à abolir la peine de mort en 1981.
La publication de cette « Lettre ouverte » fait apparaître un véritable besoin de fédérer les abolitionnistes du monde entier et d’amplifier la visibilité de notre combat.
Alors que faire ?
En octobre 2000, ECPM devient officiellement une association, et organise un Forum européen contre la peine de mort aux Etats-Unis, à la Mutualité à Paris, avec le mensuel Marie-Claire, en présence de Robert Badinter, de parlementaires européens, de personnalités et de juristes américains. La salle est pleine. C’est le souffle qu’il nous fallait pour lancer une pétition, avec notamment le soutien de Télérama, Marie-Claire et le Nouvelle Obs…
Résultat : 500 000 signatures se dressent contre la peine capitale aux Etats-Unis.
Le 23 Janvier 2001, au lendemain de l’investiture de George W. Bush, Ensemble contre la peine de mort, accompagnée de Catherine Deneuve, la remet à l’ambassade américaine à Paris.
Article du Journal l’Humanité, 24 janvier 2001
Dessin de Tomi Ungerer, 1er Congrès mondial contre la peine de mort
Le feu prend. Nous décidons d’organiser un Congrès mondial, et ce depuis nos tout premiers bureaux, qui n’étaient autres qu’un petit salon de coiffure de la rue Primatice à Paris, dans le 13e arrondissement. Ce sera à Strasbourg, en 2001. Ce premier Congrès est conçu comme un rendez-vous citoyen, militant et politique.
- Citoyen, car la ville de Strasbourg est le lieu de concert, de manifestation (5000 personnes) et de débats.
- Militant, car le conseil de l’Europe et le Parlement européen accueillent, pour la toute première fois en leur sein, la société civile et les représentants de nombreuses ONG. C’est ici qu’ensemble, ils poseront les bases de la future Coalition mondiale contre la peine de mort.
- Et enfin politique, car nous proposons à des Présidents de Parlement de se saisir de l’événement et de lancer, depuis le Parlement européen, un appel solennel pour l’arrêt universel des exécutions de condamnés à mort.
Tout cela, suivi par plus de 200 journalistes du monde entier venus à Strasbourg pour l’occasion.
Fédérer, communiquer, rassembler, éduquer et convaincre : Voici les bases du travail d’ECPM.
Depuis, la petite association a bien grandi. En 20 ans, les trois bénévoles du début se sont multipliés, ainsi que les actions de l’association.
Aujourd’hui, ECPM a organisé sept Congrès mondiaux dans six pays différents, et elle tient son pari. Tous les trois ans, les abolitionnistes du monde entier se fédèrent, de nouveaux réseaux se créent, et la marche vers l’abolition universelle progresse :
Aujourd’hui, 106 pays du monde sont abolitionnistes (pour tous les crimes).
À l’aube de 2020, trois-quarts des pays du monde sont abolitionnistes de droit ou de fait. Mais cette statistique s’inverse si l’on considère la population mondiale : ce sont alors trois-quarts des humains qui vivent dans un pays rétentionniste.
Si le combat est mondial, il est aussi local, pour maintenir la vigilance. Entre les Congrès mondiaux, qui ont lieu tous les trois ans, les actions en France et dans des pays partenaires prolifèrent : les interventions scolaires, les débats, les publications, les missions d’enquête, les marches militantes…
Ce combat est aujourd’hui mené par une équipe de 12 salariés, entourée d’un CA toujours aussi motivé, et bien sûr, de militants et bénévoles que l’on retrouve lors de nos grands événements annuels : À la Fête de l’Humanité par exemple, ou à la Marche des Fiertés, qui, lors d’une des premières actions d’ECPM, transportaient à bout de bras les potences des mannequins qu’ECPM allait pendre au pied de la Statue de la Liberté parisienne, sur le pont de Grenelle.
Les militants d’ECPM sur le pont de Grenelle, 2001
ECPM à la Marche des Fiertés, 2019
Quarante ans auparavant, en 1981, le Président François Mitterrand choisissait d’abolir, malgré une opinion publique à 62% favorable à la peine capitale ; abolition magistralement portée par Robert Badinter. Dès le début de l’aventure ECPM, nous nous sentions comme les enfants de Robert Badinter, et c’est une grande fierté qu’il soit aujourd’hui Président d’honneur de l’association ; une grande motivation, aussi, qui nous pousse à porter chaque jour aussi haut que lui les valeurs humaines qui fondent le combat abolitionniste.
Derrière les actions d’ECPM, ce sont ces femmes, ces hommes, ces enfants parfois, qui, quelle qu’en soit la raison, vivent ou survivent dans des couloirs qui mènent au néant, au sein d’une société, celle-là même qui les a vu naître, qui les condamne à mourir.
Au-delà des valeurs qui nous rassemblent, ce sont eux la raison d’être d’ECPM. La raison de ces vingt années d’un combat que l’on espère le plus court possible.
Merci d’en faire partie.