ECPM travaille en Mauritanie depuis 2014 afin d’accompagner ses partenaires locaux en favorisant le dialogue avec les autorités nationales, en appuyant le plaidoyer auprès des mécanismes régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme, en soutenant la défense des condamné·es à mort et en plaidant pour l’amélioration de leurs conditions de détention.
La Mauritanie observe un moratoire depuis 1987 mais les chambres criminelles mauritaniennes continuent de prononcer régulièrement des condamnations à mort. Les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort ne respectent pas les standards minima des Nations unies en la matière (Règles de Mandela). C’est ce que relate la mission d’enquête « Le bagne au pays des sables » menée de décembre 2017 à décembre 2018 par Nordine Drici, Président de l’association Planète réfugiés-Droits de l’homme (PRDH) et publiée en 2019.
Conditions de détention des condamné·es à mort
La législation mauritanienne garantit un certain nombre de droits aux personnes privées de liberté, y compris aux condamné·es à mort. Mais dans la pratique, les conditions de détention sont particulièrement difficiles. Les prisons situées à Nouakchott sont surpeuplées. Les autorités mauritaniennes ont donc procédé à des transferts de détenu·es, y compris des condamné·es à mort, vers les prisons d’Aleg et de Bir Moghreïn situées à 1200 km de Nouakchott. Ces transferts affectent fortement le maintien du lien familial des détenu·es avec leurs proches ainsi que le lien avec leurs avocat·es.
Par ailleurs, l’accès aux soins est largement insuffisant et chaque année des détenu·es décèdent en raison d’une insuffisance de traitement médical ou de manque de rapidité d’accès aux soins. Sans que les chiffres ne soient connus, les taux de mortalité seraient plus particulièrement prédominants dans la prison centrale de Dar Naim, la prison d’Aleg et la prison de Bir Moghrein, cette dernière étant éloignée de tout centre hospitalier. Des insuffisances en matière d’hygiène et de nourriture disponible par rapport au nombre de personnes détenues sont également à noter.
L’accès à l’éducation et à la formation pour les détenu·es condamné·es à mort est très restreint en raison des faibles moyens dont dispose le ministère de la Justice. Ce rôle est néanmoins assuré partiellement par des associations. La plupart des condamné·es à mort étranger·ères ne bénéficient pas des garanties qui leur sont dues concernant l’accès à un interprète et leurs avocat·es, des commis·e d’office à la barre, ne disposent pas d’un délai suffisant pour prendre connaissance des dossiers de leurs client·es.
« Le verdict est tombé : j’ai été condamnée à mort, je n’ai rien compris à l’audience qui s’est déroulée en hassanya, langue que je ne parle pas. Je n’avais pas d’interprète en peul, et c’est un policier peul qui m’a expliqué, en m’emmenant à l’extérieur de la Cour criminelle, que j’avais été condamnée à la peine capitale. »
Une ancienne condamnée à mort, rencontrée lors de la mission d’enquête
Le décret pénitentiaire du 23 mai 1970 (art. 14) prévoit une obligation du juge d’instruction de visiter
régulièrement les établissements pénitentiaires et une commission de contrôle est prévue auprès de chaque établissement pénitentiaire afin de contrôler « la salubrité, la sécurité, le régime alimentaire, le service de santé, le travail pénal, la discipline et l’observation des règlements » (art. 15). Néanmoins, en raison d’un manque de moyens matériels, financiers et humains, ces visites et contrôles sont rendus impossibles.
La question des violences faites aux femmes et aux enfants
La Mauritanie est l’un des États qui a connu le plus long moratoire au Maghreb. La dernière exécution suite à un jugement prononcé par un Tribunal militaire date de 1987. Des progrès vers l‘abolition de la peine de mort tels que des mesures législatives visant à réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort sont envisageables. La question des violences sexuelles contre les femmes et les enfants est au cœur des problématiques sociétales et des violations des droits de l’homme qui impactent toute la société à court et moyen terme. Certain·es acteur·ices pourraient être tenté·es de se tourner vers des revendications appelant à l’application de la peine de mort ; pourtant, la peine de mort n’a pas plus d’effet dissuasif et les études tendent à démontrer que les États ayant aboli la peine de mort ne connaissent pas un nombre de violences sexuelles plus important que les États qui appliquent la peine de mort. Ce serait même plutôt l’inverse. Il existe de multiples alternatives à la peine de mort dans la lutte contre les violences sexuelles. L’application de la peine de mort pour violences faites aux femmes ne fait pas monter ces dernières dans l’échelle de la hiérarchie et de la proportionnalité des délits et des peines.
ECPM travaille en Mauritanie avec la Coalition mauritanienne contre la peine de mort, Planète Réfugiés-Droits de l’Homme (PRDH), l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH), le Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits humains (CSVVDH) et l’association RAFAH.
Depuis 2017, ECPM coordonne le projet Renforcer les avancées vers l’abolition de la peine de mort, avec le soutien de l’Agence française de développement, de la Norvège, de la Suisse, de la délégation de l’Union Européenne au Maroc et de la fondation de France.