Depuis 2007, ECPM s’engage au Maroc afin de fédérer les acteurs abolitionnistes locaux, mener des campagnes de plaidoyer au niveau national et international et développer un programme pédagogique auprès des jeunes.
Allier nos forces
La vie militante marocaine regorge de ressources : ECPM allie ses forces avec celles de la Coalition marocaine contre la peine de mort (qui regroupe onze associations), le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), ainsi qu’avec des réseaux qu’elle a contribué à initier, comme le Réseau des avocats contre la peine de mort (RACPM), le Réseau des parlementaires contre la peine de mort (RPCPM) et le Réseau des journalistes contre la peine de mort (RJCPM).
À l’échelle régionale, ECPM soutient le développement d’un réseau abolitionniste maghrébin.
Depuis 2017, ECPM coordonne le projet Renforcer les avancées vers l’abolition de la peine de mort, avec le soutien de l’Agence française de développement, de la Norvège, de la Suisse, de l’Union Européenne et de la Fondation de France.
Faire évoluer la loi
ECPM et ses partenaires mènent de nombreux rendez-vous politiques et organisent des séances de travail avec les diplomaties impliquées dans le mouvement abolitionniste international. Des outils de plaidoyer sont mis à disposition des acteurs locaux, des ateliers de sensibilisation sont organisés au sein du Parlement et la présence des acteurs marocains est renforcée au sein des instances onusiennes.
Des événements organisés aux Nations unies permettent de mettre à l’ordre du jour les instruments internationaux moteurs de l’abolition dans le pays : la résolution relative à l’application d’un moratoire universel et le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (OP2). ECPM veille également au respect des engagements pris par le Maroc lors de l’Examen périodique universel (EPU), mécanisme utilisé par le Conseil des droits de l’homme (CDH), en produisant des rapports alternatifs présentés aux Nations unies.
Sur le terrain, des missions d’enquêtes menées dans les prisons permettent d’analyser les conditions de détention des condamné·es à mort au regard des normes internationales et d’inciter les autorités à davantage de transparence. En 2013, ECPM et l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) publient Voyage au cimetière des vivants.
Éduquer et sensibiliser
Un programme pédagogique dense et varié, destiné aux jeunes collégien·nes et lycéen·nes de tout le pays, s’est développé au fil des années. Des interventions dans les établissements scolaires favorisent les rencontres avec des personnalités abolitionnistes et des témoins clé du combat, comme avec Ahmed Haou, ancien condamné à mort marocain.
De nombreux outils (un guide pédagogique à destination des enseignant·es, un jeu de société, ou encore une bande dessinée trilingue traitant des conditions de détention des condamné·es à mort au Maroc et en Tunisie), adaptés au contexte politique et culturel marocain, sont mis à disposition des publics. Ceux-ci encouragent vivement la participation des jeunes marocain·es aux concours internationaux organisés par ECPM (concours de dessin, concours de plaidoirie, etc.).
Des forums régionaux rassemblant de nombreux jeunes de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mona) sont également organisés, comme à Tunis en 2018 et à Fès en 2015.
Des propositions culturelles sont aussi fréquemment mises en place pour sensibiliser le grand public : expositions d’œuvres contre la peine de mort, festivals de films, représentations théâtrales. Un travail est particulièrement consacré à l’argumentaire abolitionniste dans le contexte marocain à l’occasion de débats publics, pour rappeler que la peine de mort n’est pas dissuasive et n’a aucune véritable justification religieuse. ECPM a par exemple organisé le premier festival de films sur la peine de mort à Rabat en 2015.
La situation des condamné·es à mort
Dans l’histoire contemporaine du Maroc, la peine de mort a été utilisée comme un outil de répression politique. Aujourd’hui, les condamnations à mort sont principalement prononcées pour des crimes de sang ou des crimes liés au terrorisme. Fin 2020, selon les données officielles, parmi les détenu·es condamné·es à mort, 57 personnes avaient été condamnées à mort pour des actes relevant du droit commun, et 19 autres pour des actes terroristes.
La dernière exécution au Maroc date du 5 septembre 1993. Entre 1954 et 1993, 54 exécutions ont été recensées, principalement d’opposants politiques. Depuis 1993, le Maroc observe un moratoire sur les exécutions, mais les tribunaux continuent de prononcer régulièrement des condamnations à mort. D’après les statistiques officielles du ministère de la Justice, entre 2009 et 2019, 97 condamnations à mort auraient été prononcées par la justice marocaine. Le chef du parquet explique cette évolution par la diminution du nombre de condamnations à la peine de mort ainsi que par les mesures de grâce royale qui permettent de commuer la peine de mort en différentes peines de prison.
Le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du Ministère public, a indiqué que le nombre de personnes condamnées à mort continue de baisser d’année en année passant de 197 en 1993 à 79 en 2021. Notant que la peine de mort est toujours en vigueur au niveau de la loi, il a indiqué
que les juges ne sont tenus d’appliquer le droit que comme le stipule la loi fondamentale. Les décisions de justice sont rendues sur la seule base de l’application impartiale de la loi (article 110 de la Constitution) tandis que les magistrats du Ministère public sont tenus d’appliquer la loi et doivent se conformer aux instructions écrites émises par l’autorité hiérarchique, d’après le texte de la Constitution.
Peu de femmes ont été condamnées à mort depuis 1993. Elles sont actuellement deux à être détenues. Il est aussi assez rare que des étrangèr·es soient condamné·es à mort. Actuellement quatre étrangers dont deux Hollandais détenus à la prison de Marrakech et deux Français condamnés à mort sont détenus. L’assistance consulaire à laquelle ils peuvent prétendre, en vertu de la Convention de Vienne (1963) sur les relations consulaires, leur est accessible dans la mesure où les autorités consulaires lorsqu’elles ont une représentation dans le pays sont prévenues et susceptibles de se déplacer facilement.