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Cameroun : trois mineures condamnées à mort pour terrorisme après avoir fui Boko Haram font désormais face à un nouveau procès [Communiqué de presse]

Ce vendredi 26 juin, trois femmes risquent d’encourir une lourde peine de prison quand elles seront jugées pour espionnage. Elles avaient été condamnées à mort après avoir fui Boko Haram alors qu’elles étaient encore mineures. Toutes trois ont déjà passé plus de 5 ans en prison, dont deux avec de très jeunes enfants. ECPM, Cornell Center on the Death Penalty Worldwide et 28 organisations cosignataires demandent aux autorités camerounaises de veiller à ce qu’elles reçoivent un jugement équitable et dans un délai raisonnable.

Marie Dawandala, Damaris Doukouya et Martha Weteya n’avaient que 17 ans lorsqu’elles ont été arrêtées et accusées de soutenir Boko Haram en octobre 2014. Damaris a été placée en garde à vue avec sa fille de trois mois, et Marie était enceinte de six mois. Les trois adolescentes avaient quitté leur village natal dans le nord appauvri du Cameroun pour travailler comme domestiques avec leurs maris de l’autre côté de la frontière nigériane. Pendant l’escalade de la violence perpétrée par le groupe militant Boko Haram, elles ont été forcées de fuir de l’autre côté de la frontière, comme des dizaines de milliers d’autres civils déplacés depuis le début de la crise.

Alors que les attaques s’intensifiaient, « les autorités camerounaises ont arbitrairement arrêté des centaines de partisans présumés de Boko Haram, dont beaucoup sans enquête approfondie, et les ont accusés de terrorisme, un délit passible de la peine de mort », explique Marie-Lina Samuel, Coordinatrice du projet Afrique d’ECPM (Ensemble Contre la Peine de Mort). Plusieurs organisations internationales ont dénoncé cette campagne de répression comme une crise des droits de l’homme. Dans son rapport « Condamnés à l’oubli : mission d’enquête dans les couloirs de la mort au Cameroun », ECPM a notamment souligné la multiplication des procès inéquitables dans les dossiers de terrorisme.


Martha Weteya, Marie Dawandala, et Damaris Doukouya (de gauche à droite)

Après leur arrestation, les trois jeunes femmes ont été stupéfaites d’apprendre qu’elles étaient accusées d’appartenir au groupe militant qu’elles avaient fui deux semaines auparavant. Pendant quatre mois, elles n’ont eu accès ni à un avocat, ni à un interprète, alors même que l’enquête préliminaire et l’instruction ont été menées en français, une langue qu’elles ne comprennent pas. Marie a donné naissance à un fils en détention.

Les trois femmes et leurs deux enfants ont ensuite été transférés à la prison centrale de Maroua, où règnent des conditions mettant leur vie en danger. Les installations ne sont pas en mesure de respecter les règles d’hygiène élémentaires, sont fortement surpeuplées (construites pour 350 détenus mais en abritant plus de 1.400), et ne fournissent pas la nourriture, l’eau potable et les soins médicaux adaptés. Les femmes ont élevé leurs enfants du mieux qu’elles le pouvaient dans cet environnement inhumain pendant les cinq années suivantes.

En avril 2016, Marie, Damaris et Martha ont été traduites devant le tribunal militaire de Maroua, où elles ont été accusées d’espionnage, de conspiration en vue de commettre une insurrection, et d’appartenance à une bande armée. Au terme d’un procès accéléré qui n’a duré que quelques heures, Marie, Damaris et Martha ont été reconnues coupables de tous les chefs d’accusation et condamnées à mort par bataillon d’exécution.

« La procédure s’est déroulée avec une foule de violations du droit à un procès équitable, » déclare Delphine Lourtau, Directrice Exécutive du Centre Cornell sur la peine de mort dans le monde.

Premièrement, le tribunal militaire qui a prononcé la peine de mort n’était pas habilité à juger ces trois femmes en vertu de la loi camerounaise car elles étaient mineures au moment des crimes allégués. Le droit international interdit de manière générale aux tribunaux militaires de juger des civils et de manière catégorique le recours à la peine de mort pour les mineurs. Deuxièmement, il n’y avait aucune preuve directe ou matérielle à l’appui des condamnations, et aucun témoin de la défense ou de l’accusation n’a été appelé. Troisièmement, l’avocate commise d’office n’a pas assuré une représentation adéquate. Elle n’était pas encore pleinement qualifiée en tant qu’avocate et n’a rencontré ses clientes qu’une seule fois en privé, lors d’une courte pause pendant l’audience. Quatrièmement, toutes les procédures se sont déroulées en français, et les femmes n’ont pas toujours eu accès à un interprète. « Elles ont si peu compris leur propre procès que ce n’est qu’à leur retour en prison et après avoir parlé à un gardien de prison qu’elles ont appris qu’elles étaient condamnées à mort, » ajoute Mme Lourtau.

En 2019, reconnaissant qu’il n’était pas compétent pour juger des mineurs, le tribunal militaire a annulé les condamnations à mort des femmes. Le Ministère public a alors décidé de la reprise des poursuites pénales devant un tribunal civil. Marie, Damaris et Martha ont été transférées dans une prison plus petite à Mokolo, où les conditions de détention sont encore plus catastrophiques. De plus, depuis la propagation de la pandémie de COVID-19, Damaris et Marie ont dû accepter l’offre d’un ordre religieux de s’occuper de leurs enfants en dehors de la prison. Elles n’ont reçu aucune visite ni aucune nouvelle concernant le bien-être de leurs enfants au cours de ces trois derniers mois.

Marie, Damaris et Martha assisteront à leur prochaine audience au tribunal le 26 juin. Elles espèrent que le tribunal rendra un jugement rapide après avoir renvoyé leur procès trois fois de suite depuis le début de l’année. « Le tribunal devrait également prendre en considération le temps qu’elles ont déjà passé en prison avec leurs enfants et l’irrégularité des procédures engagées contre elles jusqu’à présent », déclare Mme Lourtau. « Après tout ce qu’elles ont vécu, Marie, Damaris, Martha, et leurs enfants méritent un procès équitable et une issue juste. »

Pour plus d’informations :

Contacts presse :

Delphine Lourtau, Cornell Center on the Death Penalty Worldwide

dml348@cornell.edu

Michael Luze, ECPM (Ensemble Contre la Peine de Mort)

luzemichael@yahoo.fr

Organisations cosignataires :

ACAT Cameroun (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture)

ACAT France

Agir ensemble pour les droits de l’homme (AEDH)

Alliance des avocats pour les droits de l’homme (AADH)

Le Barreau de Paris

Coalition camerounaise contre la peine de mort

Droits et paix

RACOPEM (Réseau des avocats camerounais contre la peine de mort)

Abdorrahman Boroumand Center for Human Rights in Iran

Coalition marocaine contre la peine de mort

Coalition portoricaine contre la peine de mort

Death Penalty Focus

FIACAT (Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture)

FHRI (Foundation for Human Rights Initiative)

Forum marocain pour la vérité et la justice

Hands off Cain

SHAM (Human Rights & Democracy Media Center in Palestine)

Italian Federation for Human Rights

Lawyers for Human Rights International 

LAW (Legal Awareness Watch)

Lifespark

OBP (Observatoire burundais des prisons)

Observatoire marocain des prisons

ASBL (Pax Christi Uvira)

SOS Africaines en danger

Vietnam Committee on Human Rights

Voix de détenus

Witness to Innocence

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