ECPM a commencé à travailler en Indonésie en 2008 à travers le cas de Serge Atlaoui, citoyen français condamné à mort. Depuis 2017, ECPM mène un projet sur le terrain en partenariat avec KontraS afin de dynamiser le plaidoyer en faveur de l’abolition auprès des autorités nationales via l’organisation de conférences, tables rondes et ateliers de travail. Des activités de formation et de sensibilisation sur la thématique à destination des jeunes et des médias sont également organisées.
En 2018, ECPM lance sa première mission d’enquête dans les couloirs de la mort indonésiens, qui sera publiée un an plus tard. Six prisons sont visitées et une dizaine de personnes condamnées à mort interrogées ; parmi elles, des étranger·ères, des femmes, des avocat·es, des administrations pénitentiaires, des familles des condamné·es à mort.
La situation des condamné·es à mort en Indonésie
En Indonésie, on peut être condamné·e à mort pour un large éventail de crimes : la trahison, le meurtre aggravé, les crimes aériens, le trafic de drogue, la corruption, le terrorisme, l’abus sexuel des enfants et les crimes internationaux. Néanmoins, depuis l’indépendance, la peine de mort n’a été appliquée qu’à quatre types de crimes : subversion, meurtre aggravé, terrorisme et infractions liées à la drogue. Les ONG estiment que plus de 70 % de toutes les condamnations à mort enregistrées depuis 2015 concernent des infractions liées à la drogue. Les exécutions sont réalisées par peloton d’exécution.
Le nombre de condamnations à mort a considérablement augmenté au cours des dix dernières années, en particulier depuis la « guerre contre la drogue » menée par le pays. Dans ce contexte, les droits des prisonnier·ères ne sont pas assurés : la confidentialité des entretiens avec les avocat·es n’est pas toujours respectée et plusieurs personnes condamnées à mort ont été battues par les forces de police jusqu’à ce qu’elles avouent leurs crimes présumés. Selon les condamné·es interrogé·es lors de la mission d’enquête « Déshumanisés », leurs avocats ne s’intéressaient pas à leur cas et certain·es d’entre elles et eux n’étaient pas en mesure de les défendre.
Les conditions de détention s’apparentent à un traitement inhumain et cruel. Selon la législation, les personnes condamnées à mort doivent être envoyées dans des prisons de classe I : celles-ci n’autorisent pas l’accès à des activités culturelles, éducatives et sportives, ni la visite des familles ; les détenu·es ne sont autorisé·es à marcher qu’une heure par jour devant leur cellule, menottes aux poignets et aux jambes, et à pratiquer des activités religieuses.
En raison du faible niveau des dépenses consacrées à l’alimentation et aux soins de santé, les détenu·e·s doivent compter sur leur famille pour leur envoyer de la nourriture supplémentaire ou des ressources extérieures, défavorisant particulièrement celles ou ceux dont la famille vit loin de la prison ou à l’étranger. Nombre de condamné·es en Indonésie sont détenu·es dans le couloir de la mort depuis des décennies, craignant chaque jour une exécution, ce qui affecte profondément leur santé mentale. Les tentatives de suicide sont considérées comme un comportement répréhensible et punies par l’isolement cellulaire.