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Salim Hoss, un humaniste engagé contre la peine de mort

C’est en l’an 2000 que Salim Hoss a révélé officiellement son refus de la peine de mort, lorsqu’il s’est abstenu de signer deux décrets d’exécution de deux jeunes condamnés.
Salim Hoss portant le pins de l’abolition de la peine de mort, à la conférence de LACR en 2011. Photo DR

Lors du deuxième Congrès mondial pour l’abolition de la peine de mort à Montréal en 2004, Salim El-Hoss confirmait encore une fois : « Je suis totalement contre la peine capitale. C’est une question de conviction personnelle, je n’avais fait que mettre ma conscience avant toute autre chose. Je crois qu’aucun être humain n’a le droit de prendre une vie humaine. Dieu seul donne la vie et Dieu la reprend. J’ai la conscience tranquille car je n’ai pas signé des décrets de mort. J’ai occupé le poste de Premier ministre au Liban cinq fois, par périodes intermittentes d’une durée totale d’environ dix ans, au cours desquelles je n’ai signé aucun décret pour exécuter qui que ce soit ».

Salim Hoss s’en est allé. Il laisse en héritage son humanisme et son engagement d’homme politique abolitionniste.

Trente ans avec LACR

Le 10 décembre 1997, nous l’avons invité à la cérémonie de signature du livre La peine de mort tue de Walid Slaybi, dans le cadre du Salon du livre arabe et international de Beyrouth, où il a trouvé des réponses décisives qui confortaient son refus de la peine capitale. À travers cette invitation à l’époque, nous souhaitions « influencer une personnalité politique crédible afin que sa conscience influence l’opinion publique ». Ainsi fut fait.

En mai 1998, le téléphone a sonné. Nous avons entendu la voix de Salim Hoss nous dire : « C’est courageux, je suis avec vous. » C’était au lendemain de notre action de lutte abolitionniste, une première au Liban, à 4h à l’aube du 19 mai sur la place de Tabarja, près de la potence, où deux condamnés à mort ont été exécutés en public. 

C’est en l’an 2000 que Salim Hoss a révélé officiellement son refus de la peine de mort, lorsqu’il s’est abstenu de signer deux décrets d’exécution de deux jeunes hommes. Pour un Premier ministre du Liban, le phénomène était inédit.

Et plus tard, à l’occasion des multiples conférences et activités organisées par l’Association libanaise pour les droits civils (LACR), Salim Hoss a toujours répété que la peine capitale était sélective, politiquement, économiquement et confessionnellement. « Je constate que les condamnations à mort au Liban sont prononcées et appliquées de manière sélective. Une justice sélective n’est en effet pas une justice », disait-il. Il allait même plus fort sur un point : « N’avez-vous pas entendu parler de criminels qui ont commis les crimes les plus odieux pendant la guerre et qui sont aujourd’hui en liberté ? »

Un sage est parti, mais son combat continue

La relation de Salim Hoss avec l’association Ensemble contre la peine de mort (ECPM) a toujours été fondée sur la fraternité des valeurs humanistes. Cela a commencé depuis la création d’ECPM en 2000, avec la Campagne libanaise pour l’abolition de la peine de mort fondée par Ogarit Younan et Walid Slaybi. Dernièrement, il avait fait l’immense honneur à ECPM d’écrire la préface de sa mission d’enquête dans les couloirs de la mort au Liban intitulée « Vivants, sans l’être ».

Salim Hoss a toujours refusé de prêter son nom et sa dignité à ce qu’il appelait une ignominie, un meurtre sous le sceau glacial de l’État. Sa conception de la justice et de l’humanité ne souffrait pour lui d’aucune exception, ni pour crime de guerre ni pour terrorisme.

Il a été une autorité morale si forte qu’elle portait au-delà des frontières du pays. Salim Hoss représentait une voix juste et mesurée dans une région difficile et torturée. Il assurait admirablement la jonction entre les Lumières arabes et européennes.

Cela fait 20 ans de moratoire au Liban. Cet héritage, on le doit aussi à des sages comme Salim Hoss.

Nous avons vu ces derniers mois partir les plus grands noms de l’abolition mondiale et du monde arabe, de Salim Hoss (le 25 août 2024) à Walid Slaybi, penseur non violent et figure pionnière abolitionniste dans le monde arabe, au président d’honneur d’ECPM, l’ancien garde des Sceaux français Robert Badinter, figure mondiale de l’abolition universelle.

Il s’agit maintenant pour les nouvelles générations de prendre le relais. Le prochain Congrès mondial contre la peine de mort qui se tiendra à Paris en 2026 en sera l’occasion !

Ogarit YOUNAN, Fondatrice Présidente de LACR.
Raphaël Chenuil-Hazan, Directeur général d’ECPM.