Nos sociétés jugent la personne enfermée, jugent sa faute, sa déviance, son infraction, parfois sa non-conformité aux normes sociales ou sa dissidence politique. Elles jugent bon de la mettre à l’écart pour s’en protéger et, pourquoi pas au passage, de la faire souffrir, de l’inscrire dans la marge invisible de nos territoires. De la marge à l’exclusion, il n’y a qu’un pas qui peut confiner parfois à la barbarie.
Édito 2024, Concertina
« La loi du Talion »: l’atelier ECPM
Co-construit par Prison Insider et ECPM, l’atelier « La loi du Talion » proposait un échange autour des conséquences de la peine capitale sur les familles des personnes condamnées. À cette occasion, Shole Pakravan a fait part de son témoignage. La fille de Shole a été exécutée en 2017, au terme de sept années de lutte acharnée contre le régime qui l’avait condamnée à mort. Accusée du meurtre d’un haut dirigeant de la garde islamique qui tentait de la violer, Reyhaneh Jabbari a été exécutée lorsque tous les recours ont été épuisés.
La loi islamique du Talion en Iran dispose que le meurtre est passible de la peine de mort. Toutes les personnes reconnues coupables de meurtre sont condamnées à mort par les tribunaux. Ensuite, le choix d’exécuter, ou non, la personne condamnée est entre les mains de la famille de la personne tuée. La peine capitale n’est pas appliquée si la famille ou les proches de la victime acceptent de gracier la personne en lui accordant leur pardon ou en recevant une compensation financière.
Portrait de Shole Pakravan
Activiste iranienne pour les droits humains, Shole Pakravan vit désormais en Allemagne. Aujourd’hui, Shole raconte comme la force de sa fille demeure ancrée en elle et se souvient de sa détermination à ne rien concéder au régime : elle avait notamment refusé à la famille de son agresseur d’écrire une lettre au sein de laquelle elle aurait confessée avoir menti lorsqu’elle dénonçait les violences contre lesquelles elle a eu à se défendue. Cette force, Shole la transmet aux jeunesses qu’elle rencontre à travers le monde en les encourageant à rejoindre le combat pour l’abolition de la peine de mort, même avec de toutes petites actions : « les petits ruisseaux font de grandes rivières », insiste-t-elle, « tout comme la violence, la paix se diffuse au-delà des frontières ».
Vous savez, la souffrance de ma fille a pris fin mais la mienne et celle de notre famille est encore vive. Nous la portons dans nos chairs. Je veux que les gens prennent conscience que ce n’est pas seulement une personne qui meurt dans une exécution : sa famille meurt avec elle. Les pays occidentaux devraient considérer que la peine de mort en Iran les concerne eux-aussi.
Shole Pakravan
La peine de mort en Iran
La République islamique d’Iran est aujourd’hui, et depuis de très nombreuses années, le pays qui compte le plus grand nombre d’exécution par habitant. Depuis la révolution de 1979, la peine de mort est régulièrement utilisée par les autorités comme un outil de répression politique. Les nombreuses condamnations intervenues depuis le soulèvement déclenché par la mort en détention de Mahsa Amini en septembre 2022 le démontrent de manière terrifiante. Figures centrales de cette résistance de la population Iranienne, de nombreuses femmes sont aujourd’hui exécutées pour avoir tenté de résister aux agressions dont elles sont victimes. ECPM dans le cadre de son travail publie chaque année, en partenariat avec l’association iranienne Iran Human Rights, un rapport sur la pratique de la peine de mort en Iran.