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Retour sur la participation d’ECPM à la 77e session de la CADHP

Du 20 au 23 octobre, Ensemble contre la peine de mort (ECPM) et son partenaire en Tunisie, la Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM) ont participé à la 77e session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) qui se tenait à Arusha, en Tanzanie. ECPM et la CTCPM ont pu échanger avec les commissaires, des représentants d’Etats, d’Institutions nationales des droits de l’Homme et de la société civile. ECPM a soumis une intervention orale sur la situation de la peine de mort en Afrique.

Le 21 octobre ECPM, la CTCPM, Culture pour la paix et la justice (CPJ) en lien avec la Coalition d’Afrique francophone contre la peine de mort et la Coalition mondiale contre la peine de mort ont organisé un side event en marge de la 77e session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) intitulé : Etat de droit vs peine de mort ; quelle compatibilité, quels défis ?

Dans le cadre de ce side event sont intervenus : M. Idrissa Sow, Commissaire et président du Groupe de travail sur la peine de mort de la CADHP, M. Chokri Latif, président de la Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM), M. Yasin Sentumbe Munagomba, avocat et membre de la Foundation of Human Rights Initiative (FHRI – Ouganda), et Liévin Ngondji, avocat, président de Culture pour la Paix et la Justice (CPJ) et de la Coalition congolaise contre la peine de mort (CCPM-RDC) (intervention enregistrée). Ce panel était modéré par Julia Bourbon Fernandez, responsable MENA d’ECPM.

Idrissa Sow a rappelé le mandat de la CADHP qui, outre un mandat de protection tel que celui de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, dispose également d’un mandat de promotion. Par ailleurs, peu d’Etats ayant ratifié l’OP2 et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples étant toujours en discussion, la plupart des Etats ne sont pas contraints d’interdire la peine de mort mais de limiter son application conformément aux instruments internationaux qu’ils ont ratifiés, et notamment la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Pacte international sur les droits civils et politiques. Le Comité des droits de l’Homme dans son Observation générale n°36 et la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples dans son Observation générale n°3 ont précisé la portée des obligations qui pesaient sur les Etats. S’ils ne respectent pas ces limitations, ils peuvent être sanctionnés. Cela a été le cas dans l’Affaire jugée par la CEDEAO Nenna Obi au nom d’autres condamnés à mort au Nigeria c/ République fédérale du Nigeria (ECW/CCJ/JUD/27/16).

Les Etats invoquent principalement quelques arguments pour maintenir la peine de mort dont la lutte contre l’insécurité. Il est indispensable de déconstruire ces arguments. La peine de mort doit être abolie car une justice qui applique la peine de mort n’est pas une justice efficace.

Idrissa Sow, Commissaire et président du Groupe de travail sur la peine de mort de la CADHP

Les autres intervenants ont pu précisé les contextes en Tunisie, en Ouganda et en RDC, précisant la relation entre lacunes de l’Etat de droit et maintien de la peine de mort. Chokri Latif a rappelé qu’en Tunisie, dans le contexte actuel la peine de mort est instrumentalisée à des fins politiques et utilisée comme une menace contre certains opposants. Yasin Sentumbe Munagomba a précisé le lien entre l’absence d’indépendance du pouvoir Judicaire et l’adoption récente sanctionnant l’Homosexualité de la peine de mort en Ouganda et démontré à quelle point la situation était alarmante pour l’Etat de droit. Cette réforme législative est à la fois la conséquence de l’absence d’Etat de droits et à la source de violations de l’Etat de droit. Liévin Ngondji a rappelé qu’en RDC, le moratoire avait été renforcé par les options levées par les accords de Sun City de 2003 qui mettait fin à l’éclatement du pays avec comme mission de restaurer l’autorité de l’Etat et d’instaurer l’Etat de droit. Les autorités de l’Etat ignorent que l’Etat de droit est un choix ; celui non pas de privilégier les droits des gouvernants et leur sécurité mais celui de soutenir le respect des droits fondamentaux de l’individu qui est au cœur de la République. Et ce plutôt ce, sans supprimer l’obligation de l’individu de respecter l’Etat Il s’agit d’un grand changement conceptuel du droit pénal fondé sur un ordre public nouveau dans lequel tant les droits de l’accusé que ceux de la victime sont des éléments essentiels de la procédure. La protection de la victime ne doit pas justifier le sacrifice des droits essentiels de l’accusé. Dans nombre de pays, la soi-disant protection des droits des victimes se fait actuellement au détriment de l’Etat de droit. Le maintien de la peine de mort s’accompagne de violations graves de la situation des droits de l’Homme et notamment ; l’absence de respect du droit à la vie, des droits des détenus et les actes de torture mais aussi dans un contexte d’impunité.

Tous les intervenants ont souligné que la peine de mort est contraire à l’Etat de droit lorsque non conforme au droit régional et international et notamment lorsqu’elle s’applique aux mineurs ; aux femmes enceintes ou aux crimes qui ne peuvent être considérés comme les plus graves au sens du droit international. Plusieurs participants ont souligné qu’il était paradoxal que les Etats qui s’engagent à ratifier le Statut de Rome sur l’établissement de la Cour pénale internationale, le Pacte international sur les droits civils et politiques protégeant le droit à la vie et la Convention internationale sur l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants retiennent la peine de mort dans leur législation interne. Maintenir la peine de mort dans un arsenal juridique c’est maintenir une justice inefficace. Dans les Etats observant un moratoire, rien n’exclut une reprise des exécutions.

Un nombre important de publications d’ECPM a été diffusé dans le cadre de la session et il a également été possible d’échanger sur le contenu de l’Etude sur les processus d’abolition dans les Etats membres de l’OCI avec différents interlocuteurs.

brochure afrique
L’Afrique sur la voie de l’abolition
Algérie, Maroc, Mauritanie et Tunisie : du moratoire à l’abolition de la peine de mort