Préface
Le jeune espoir de l’abolition de la peine de mort
Bienvenue dans les Actes du 8e Congrès mondial contre la peine de mort. Tous les trois ans, cet événement mondial donne l’occasion aux personnes partageant les mêmes préoccupations concernant la peine de mort, qu’il s’agisse d’experts ou d’abolitionnistes passionnés, de partager leurs connaissances et leurs expériences, de s’unir et de marcher vers un même objectif : l’abolition de la peine de mort.
Les jeunes abolitionnistes sont essentiels à la pérennité du mouvement et à l’avenir de la lutte contre la peine de mort. Les valeurs, les idées et les mentalités changent en même temps que les générations. Les jeunes générations jouent un rôle crucial dans le succès du mouvement car elles apportent des perspectives uniques sur le monde et un désir profond de voir une société plus juste et plus équitable. Le mouvement abolitionniste s’est développé et a pris de l’ampleur ces dernières années, et nous sommes fiers d’en faire partie.
Avant de participer à ce Congrès, je n’étais qu’un jeune professionnel travaillant dans le domaine des droits humains en Indonésie. Je connaissais peu de choses sur la peine de mort, mais plus j’en apprenais, plus j’étais intrigué. L’Asie du Sud-Est est un point névralgique de la peine de mort dans le monde, avec des condamnations et des exécutions chaque année. La peine de mort est une question complexe qui touche non seulement les personnes condamnées à mort, mais aussi leurs familles et leurs communautés. Il s’agit d’un châtiment irréversible et le risque d’exécuter un innocent est toujours présent.
L’idée qui sous-tend de plus en plus l’application de la peine de mort est qu’elle dissuade la criminalité. Cependant, les recherches ont montré que la peine de mort n’a pas d’impact significatif sur la baisse du taux de criminalité. Au contraire, elle perpétue un cycle de violence et de déshumanisation. Je crois en l’universalisme. Je crois que chaque personne dans ce monde a le droit à la vie et à l’absence de torture. La question se pose donc de savoir pourquoi, au 21ème siècle, nous privons encore les gens de ces droits pour appliquer la peine de mort.
Le projet Abolition Now Tour m’a aidé à comprendre ces questions en me permettant de faire la connaissance, dans mon pays, l’Indonésie, de sept autres personnes remarquables venant d’horizons différents. Nous étions différents à tous égards, mais nous avions un sentiment commun : la peine de mort n’est pas une option qui devrait exister dans notre monde. Grâce à nos recherches et à nos échanges, nous avons réalisé que la perception commune de la peine de mort dans notre pays est due au fait que les circonstances entourant une condamnation à mort et/ou une exécution ont souvent été délibérément brouillées, plus ou moins glorifiés, par les médias grand public.
À partir de ce postulat, nous avons trouvé des moyens de justifier les objectifs de l’abolition de la peine de mort de manière plus rationnelle et plus acceptable dans l’esprit de nos concitoyens. Nous avons réfléchi, élaboré des stratégies et lancé une campagne qui nous était personnelle et qui pouvait être relayée par les jeunes de tout le pays. L’atelier de deux jours auquel nous avons tous participé m’a appris que nous devions trouver d’autres moyens que les arguments habituels. Nous devons nous référer à des concepts différents applicables à notre culture et à nos normes.
Puis, le moment est venu pour nous de nous envoler vers Berlin et de présenter notre idée lors du Congrès mondial, pour finalement réaliser que notre petit groupe abolitionniste n’était pas le seul à se battre. En tant que membre du comité académique qui a élaboré le programme du Congrès, j’ai eu l’occasion de me familiariser avec ses grands thèmes, et j’ai fait en sorte que les jeunes soient représentés dans toutes les discussions et tous les groupes de discussion. C’est ainsi que de jeunes abolitionnistes du monde entier, partageant les mêmes préoccupations, le même espoir et avançant vers le même objectif, ont pu activement participer au Congrès. Compte tenu de la jeunesse, de l’espoir et de la motivation de chacun d’entre nous, un fort sentiment d’unité s’est développé et des liens se sont tissés.
Bien que nous vivions dans une société où l’espace civique se réduit et est déstabilisé, nous ne nous arrêtons pas. Les jeunes sont et seront toujours là pour soutenir la cause. Notre petit feu d’allumettes s’allumera aussi fort que les flammes d’une torche si nous nous unissons. Nous sommes prêts à poursuivre le combat.
L’abolition de la peine de mort n’est pas une tâche facile, mais elle est nécessaire. Elle exige que nous dépassions nos zones de confort et que nous travaillions à un avenir où chaque vie humaine est appréciée et respectée. Nous devons continuer à plaider en faveur de l’abolition de la peine de mort, tant au niveau local que mondial. Nous devons montrer à nos élus, aux autorités, aux juges et à la société en général que la peine de mort n’est pas la solution et qu’il existe d’autres moyens de promouvoir la justice et la responsabilisation.
J’espère que ces Actes vous donneront un aperçu de mon histoire, de votre histoire, de notre histoire et de l’histoire de tous ceux qui s’efforcent toujours d’avancer vers un monde où la peine de mort est abolie. Unissons-nous et marchons vers un monde où chaque vie humaine est appréciée et respectée. Ensemble, nous pouvons faire la différence.
Vers l’abolition de la peine de mort, maintenant !
Introduction
Le 8e Congrès mondial contre la peine de mort, qui s’est tenu à Berlin en novembre 2022, a rassemblé des dirigeants mondiaux, des diplomates et parlementaires, des militants, des avocats et magistrats, des universitaires et des membres de la société civile engagés en faveur de l’abolition de la peine capitale. Depuis plus de vingt ans, ECPM organise tous les trois ans ce rendez-vous international clé du calendrier abolitionniste. Plus qu’un rassemblement militant, le Congrès mondial a su devenir, au gré de ses éditions, une campagne mondiale pour l’abolition universelle et un levier politique exceptionnel.
Pour la première fois dans l’histoire du Congrès, des pays sont venus officiellement annoncer l’abolition de la peine de mort dans leur pays. Pour la première fois, des avancées concrètes ont pris corps à travers la campagne de mobilisation sans précédent menée par ECPM, ses partenaires, les parrains du Congrès (l’Allemagne, l’Union européenne, la Suisse et la France) mais aussi tous les autres acteurs du groupe diplomatique de soutien au Congrès mondial. ECPM a ainsi eu le plaisir d’accueillir plus de vingt-cinq ministres et secrétaires d’État, sans compter les nombreux autres pays, souvent réticents au débat sur la peine capitale, qui ont approché les organisateurs pour participer à cette édition. Nous avons pu aussi compter sur la présence de représentants américains et notamment des gouverneurs, sénateurs, membres du Congrès ou parlementaires d’Etats comme l’Ohio.
« Nous demandons que le président Biden honore ses engagements en abolissant la peine de mort au niveau fédéral et en commuant toutes les condamnations à mort fédérales aux États-Unis. »
Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général d’ECPM, lors de la cérémonie d’ouverture
Le Congrès mondial a été l’occasion de faire le point sur le chemin parcouru et de travailler ensemble sur les stratégies de demain, car c’est en faisant collaborer l’ensemble des acteurs œuvrant à leur manière pour l’abolition que le combat avance. Les représentants politiques changent les lois, les diplomates font évoluer les normes internationales, les avocats défendent, les magistrats jugent, les journalistes rapportent les débats de société et de justice, les ONG de droits humains, qu’elles soient internationales, régionales ou locales, assurent le lien entre tous ces acteurs.
Nous avons pu aussi porter les questions fondamentales du rôle politique que jouent la peine de mort aux mains des gouvernements et la fondamentale question de la transparence.
« Les dictatures et États totalitaires du monde entier sont les plus fervents défenseurs de la peine capitale. Celle-ci se pratique à l’ombre de l’échafaud dans la honte et l’opprobre. Il est loin le temps de la fierté du bourreau qui exécutait en public, tel un message à la foule, à l’opinion publique.
Nous demandons une transparence absolue et nécessaire sur les condamnations, les exécutions et les conditions de détentions. »
Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général d’ECPM
En examinant le rôle des nouvelles générations et des jeunes dans la lutte contre la peine de mort, le Congrès a mis en lumière l’importance du dialogue et de la collaboration entre les générations. En effet, l’échange d’expériences, de connaissances et de stratégies entre des militants chevronnés et de jeunes défenseurs des droits humains offre un potentiel considérable pour le renforcement du mouvement abolitionniste mondial. Il permet de tirer les leçons du passé, de s’adapter à l’évolution des dynamiques sociétales et de favoriser des progrès durables vers un monde sans peine de mort. Le Congrès a reconnu que l’implication des jeunes est essentielle pour parvenir à un changement durable et faire progresser les droits humains. Avec leur énergie, leur passion et leurs nouvelles perspectives, les nouvelles générations sont devenues des agents clés de la transformation des sociétés dans le monde entier. L’engagement des jeunes dans la lutte contre la peine de mort témoigne d’un mouvement mondial croissant en faveur de la protection de la dignité humaine, de l’abolition des peines cruelles et inhumaines et de la recherche de la justice et de la réconciliation.
Enfin, comme les éditions précédentes, le Congrès de Berlin a également laissé la parole à de nombreux grands témoins de la peine de mort, anciens condamnés à mort, femmes et hommes ayant expérimenté les horreurs de la machine infernale et du système de la peine capitale.
C’est tout cela que vous retrouverez dans les pages de ces Actes, à travers la retranscription des débats entre les intervenants, des innovations thématiques et des nouvelles tendances et perspectives abolitionnistes. Les grands idéaux ne se recommandent pas par testament, mais par la permanence de l’effort, la transmission et leur appropriation par les nouvelles générations. C’est dans cet esprit que le Congrès de Berlin a rassemblé les membres toujours plus nombreux de la grande famille abolitionniste pour maintenir la flamme, plus forte que jamais, de notre combat.
Raphaël Chenuil-Hazan
Directeur général d’ECPM
Aminata Niakate
Présidente d’ECPM