Aujourd’hui, 146 États dans le monde ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique.L’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie n’ont pas connu d’exécutions depuis près de 30 ans, ils observent un moratoire de fait. Néanmoins, des condamnations à mort continuent d’être prononcées dans les quatre États du Maghreb. Ainsi, en 2020, il y aurait eu au moins 1 condamnation en Algérie, 11 au Maroc, au moins 8 en Tunisie et au moins 1 en Mauritanie. L’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie ont ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP), mais n’ont ni signé, ni ratifié le Second protocole facultatif prévoyant l’abolition de la peine de mort (OP2).
Le Réseau observe positivement la situation de moratoire depuis plus de trois décennies dans la région. Il se réjouit aussi de réformes législatives telles que la Loi relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes adoptée en 2017 en Tunisie,qui a abrogé les articles qui prévoyaient la peine de mort pour le crime de viol.
Néanmoins, le Réseau alerte sur les réactions aux nombreuses affaires de violences à l’égard des femmes et des enfants qui secouent les opinions publiques maghrébines et relancent régulièrement les réflexions sur la reprise des exécutions. Il saisit l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes pour appeler à la plus grande vigilance face à la tentation de prôner le recours àl a peine de mort dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles et dans un contexte de réformes législatives.
« Le principal argument avancé pour justifier la peine de mort est qu’elle dissuade le viol – mais en fait, il n’y a aucune preuve que la peine de mort dissuade le crime plus que d’autres formes de peine » déclarait Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme, le 15 octobre 2020[1].
« Dans la plupart des pays du monde, le problème principal est que les victimes de violences sexuelles n’ont pas accès à la justice au départ» avait-elle ajouté.
Le Réseau maghrébin considère que la peine de mort constitue une punition qui n’était pas et ne sera pas la meilleure solution pour lutter contre le crime ou la stratégie pénale appropriée pour dissuader ou réhabiliter les auteurs. Le Réseau condamne et dénonce fermement les violations des droits des femmes. Toutefois, la peine de mort ne jouera pas un rôle préventif ni ne résoudra les nombreux obstacles empêchant l’accès à la justice dans le cas des violences sexuelles faites aux femmes.Une approche efficace pour prévenir de tels actes doit exclure la peine de mort, dont le recours constituerait une régression et aggraverait le cycle de la violence.
Le Réseau maghrébin et ECPM recommandent aux États :
-De ratifier le protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes pour les Etats qui ne l’ont pas encore ratifié
-De ratifier le protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes relatif à la reconnaissance du comité chargé de son application. (Algérie, Maroc, Mauritanie)
-De veiller au respect des besoins spécifiques des femmes condamnées à mort et de s’abstenir de toute discrimination à leur égard
-De ne plus prononcer de condamnations à mort
-De s’engager vers l’abolition de la peine de mort en continuité avec le moratoire déjà en place en ratifiant le second protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques (OP2)
– De mettre en place des processus de réformes législatives pour lutter contre les violences faites aux femmes qui intègrent des peines alternatives à la peine de mort
Membres du Réseau maghrébin contre la peine de mort :
La Coalition marocaine contre la peine de mort (CMCPM) – Abderrahim Jamai ; La Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM) – Chokri Latif ; La Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) – Noureddine Benissad ; L’Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH) – Fatimata M’Baye
[1] « Le viol est un crime monstrueux, les auteurs doivent être tenus responsables – mais la peine de mort et la torture ne sont pas la solution » – Michelle Bachelet, HCDH, Genève, 15/10/2020 https://www.ohchr.org/fr/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26379&LangID=f