Le chiffre est alarmant et vient rejoindre les inquiétudes des défenseurs des droits de l’homme : au moins 280 personnes ont été exécutées l’année dernière en Iran, qui demeure le pays appliquant le plus la peine capitale au monde, après la Chine. Le 12e rapport annuel sur la peine de mort en Iran, réalisé par Iran Human Rights (IHR) et ECPM, évalue et analyse les tendances liées à cette pratique afin de fournir des recommandations adaptées et d’engager un dialogue constructif.
Sa publication intervient dans un climat inédit, emprunt du deuil causé par la répression des manifestations de novembre 2019 -les plus grandes et les plus sanglantes en Iran depuis les années 1980- et les conséquences dramatiques de l’épidémie de Covid-19, à l’origine de plus de 2600 décès depuis le début de l’année, faisant de l’Iran l’un des pays les plus touchés du monde. Dans cette lutte mondiale contre le coronavirus, les droits de l’homme ne doivent pas être oubliés.
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Le rapport compare les données sur la peine de mort aux années précédentes, présente le cadre législatif international et national, les procédures, les chefs d’accusation, la répartition géographique et mensuelle des exécutions, ainsi que le nombre de femmes et de mineurs exécutés en 2019 (voir l’infographie).
Une fois de plus, les autorités iraniennes ont commis des violations systématiques du droit à un procès équitable et de l’État de droit.
Le manque d’accès à un avocat après l’arrestation, les aveux télévisés et les cas de torture, rappellent que l’amélioration durable de la situation des droits de l’homme sera impossible sans des changements fondamentaux au sein du système judiciaire iranien.
Des milliers d’Iraniens pleurent la perte de leurs proches, tués par les forces de sécurité de la République islamique lors des manifestations de novembre 2019. Au cours de cette répression de la société civile sans précédent, de nombreux défenseurs des droits de l’homme ainsi que des avocats ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
En mars 2019, le Guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei, a nommé Ebrahim Raeisi en tant que nouveau chef du pouvoir judiciaire. Celui-ci est pourtant connu pour avoir joué un rôle clé dans les exécutions de masse de plusieurs milliers de prisonniers politiques au cours de l’été 1988, qui ont été largement reconnues comme des crimes contre l’humanité. La société iranienne est entrée dans une nouvelle phase, alors que le peuple lutte pour des changements fondamentaux. L’année 2019, qui a commencé par de petites manifestations, s’est soldée par les plus grandes et les plus sanglantes en Iran depuis les années 1980. Rien n’indique aujourd’hui que les protestations vont s’arrêter.
Avec le lancement de ce rapport, IHR et ECPM appellent la communauté internationale ainsi que les partenaires européens du dialogue avec l’Iran à faire pression pour un moratoire sur l’application de la peine de mort et pour des réformes majeures du système judiciaire du pays, qui ne répond pas aux normes internationales minimales. Les dirigeants iraniens et tous les organes impliqués dans la répression doivent être tenus pour responsables par la communauté internationale.
IHR et ECPM appellent les autorités iraniennes à prendre sérieusement en considération les recommandations faites dans ce rapport, ainsi que celles de l’EPU faites par les membres du Conseil des droits de l’homme. L’imposition d’un moratoire de 5 ans sur la peine de mort, la libération de tous les prisonniers d’opinion, y compris les défenseurs des droits de l’homme et les avocats, l’octroi de la liberté de réunion et de sérieuses réformes du système judiciaire conformément aux normes internationales, figurent parmi les recommandations que les autorités iraniennes doivent adopter comme premières étapes vers des réformes fondamentales et pacifiques.
« C’est en République d’Iran que l’on compte le plus grand nombre d’exécutions capitales par rapport à la population globale. C’est en République islamique d’Iran que l’on exécute proportionnellement le plus grand nombre de femmes et de mineurs. Ces pratiques odieuses dénaturent le vrai visage de l’Islam, religion qui proclame la primauté de l’amour et de la vie sur la haine et la mort.
Pour nous, laïcs et abolitionnistes, de telles pratiques déshonorent le pouvoir qui s’y adonne et humilient la nation au nom de laquelle ces meurtres légaux sont pratiqués. L’Iran et son peuple, héritiers d’une longue et grande histoire, méritent mieux que ce palmarès de sang. Le jour inévitable et prochain où la peine de mort disparaîtra de l’Iran sera pour tous les abolitionnistes – et d’abord en Iran – un jour de liesse, une victoire de la vie sur la mort. »
Extrait de la Préface par Robert Badinter, ancien ministre de la Justice (France) et président d’honneur d’ECPM.
Photo © Christophe Meireis